Secteur public et licenciement manifestement déraisonnable des contractuels : la législation a enfin été adaptée !
L’instauration du statut unique ouvrier-employé au 1er janvier 2014 avait coïncidé avec la suppression des dispositions légales relatives au licenciement abusif des ouvriers.
Le nouveau concept de licenciement manifestement déraisonnable, applicable tant pour les ouvriers que les employés du secteur privé avait pris le relais quelques mois plus tard, par l’entremise de l’entrée en vigueur de la CCT interprofessionnelle n°109 concernant la motivation du licenciement dans le secteur privé.
Une mesure comparable pour les travailleurs contractuels du secteur public était attendue depuis cette époque : elle est enfin arrivée, soit une dizaine d’années plus tard seulement !
Dans l’intervalle, entre 2014 et 2024, la Cour constitutionnelle avait incité les tribunaux à d’ores et déjà appliquer la CCT n° 109 dont question ci-dessus dans le secteur public, par analogie, en attendant la modification effective de la législation.
Celle-ci étant enfin survenue, nous profitons de la présente news pour en tracer les contours.
Champ d'application
La loi relative à la motivation du licenciement et au licenciement manifestement déraisonnable des travailleurs contractuels du secteur public est applicable aux travailleurs sous contrat de travail dont l’employeur ne relève pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.
Ces mesures ne sont toutefois pas d’application aux travailleurs licenciés :
- durant les 6 premiers mois d’occupation. Soulignons cependant que des contrats antérieurs successifs à durée déterminée ou de travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur entrent en ligne de compte pour le calcul de ces 6 premiers mois d’occupation ;
- durant un contrat de travail intérimaire ;
- durant un contrat d'occupation d'étudiants ;
- pour mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée, à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge légal de la pension.
Les nouvelles dispositions ne sont pas applicables aux travailleurs licenciés pour motif grave ni aux travailleurs faisant l’objet d’un licenciement pour lequel l’employeur doit suivre une procédure spéciale de licenciement fixée par ou en vertu d’une norme législative.
Audition préalable obligatoire
Principe
L’employeur du secteur public qui envisage de licencier un travailleur pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement doit l’inviter à une audition préalable, destinée à recueillir les explications du travailleur concernant les faits et les motifs de la décision envisagée. Ces faits et motifs doivent être préalablement communiqués au travailleur, moyennant un délai suffisant pour préparer son audition ou formuler ses observations écrites.
Si, après l’audition préalable, l’employeur décide de procéder au licenciement, la notification du congé se fait par écrit et mentionne les motifs concrets du licenciement, de sorte que le travailleur puisse connaître les éléments ayant conduit à son licenciement.
Précisons à ce niveau que depuis un arrêt de la Cour Constitutionnelle du 6 juillet 2017 (n°86/2017, RDC, 2017/3, p.31), les employeurs du secteur public étaient déjà de facto tenus de procéder à une audition préalable en cas de licenciement projeté d’un travailleur sous contrat de travail, à l’instar de ce qui se fait depuis toujours pour les travailleurs statutaires.
Nous ne saurions que conseiller aux employeurs du secteur public de procéder à une audition préalable dans tous les cas de figure, en ce compris un licenciement motivé en raison de l’état de santé d’un travailleur car il parait difficilement contestable qu’un tel licenciement constitue une mesure grave liée à la personne du travailleur. Selon certains auteurs, ne pas agir de la sorte reviendrait à confondre le principe du respect du droit de la défense et les principes de bonne administration et d’équitable procédure qui, quant à eux, exigent une audition préalable sans pour autant nécessairement impliquer une « défense ».
Cette obligation trouve également son fondement dans le devoir de minutie et dans l’obligation qui incombe aux autorités publiques de statuer en toute connaissance de cause. La circonstance que la mesure envisagée est susceptible de léser gravement une personne justifierait à elle seule l’obligation d’audition préalable. Lorsque le licenciement repose sur des considérations liées à la santé du travailleur, l’audition est susceptible d’influer sur la décision.
Les exemples jurisprudentiels ne manquent pas à ce niveau, mettant le plus souvent en exergue le fait qu’en ne donnant pas l’occasion au travailleur de s’expliquer sur une éventuelle évolution favorable de son état de santé, de détailler les difficultés rencontrées dans l’exécution de son contrat de travail et partant, en ne permettant aucunement à l’employeur de par exemple proposer éventuellement une formation adéquate pour se remettre à niveau, l’absence d’audition d’un travailleur est considérée comme une faute ayant fait perdre au travailleur une chance de conserver son emploi.
Sanction
Si l’employeur omet d’entendre préalablement le travailleur ou de communiquer les motifs concrets qui ont conduit au licenciement du travailleur, il est redevable à ce travailleur d’une indemnité correspondant à 2 semaines de rémunération. Dans ce cas, la notification du congé reste valable.
Licenciement manifestement déraisonnable
Un régime semblable à celui de mise dans le secteur privé depuis 2014 est à présent officiellement instauré pour le licenciement d’un travailleur contractuel du secteur public.
Définition
Le licenciement manifestement déraisonnable est le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée, qui se base sur des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.
Sanction
L’employeur qui procéderait à un licenciement manifestement déraisonnable (voir définition ci-dessus) sera redevable d’une indemnisation au travailleur. Celle-ci correspond au minimum à 3 semaines de rémunération et au maximum à 17 semaines de rémunération.
Elle ne peut être cumulée avec d’autres indemnités qui sont prévues dans le cadre d’une procédure spéciale de licenciement (à l’exception de l’indemnité de 2 semaines prévue supra pour non-respect de l’obligation de motiver le licenciement), ni avec toute autre indemnité qui est due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’une indemnité d’éviction ou d’une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales.
Charge de la preuve
La charge de la preuve est réglée par le droit commun de la preuve, tel que défini à l’article 870 du Code Judiciaire. Chaque partie a la charge de la preuve des faits qu’elle avance.
Si l’employeur a cependant omis de communiquer les motifs ayant conduit au licenciement, il incombera à l’employeur d’établir que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.
Entrée en vigueur
Les nouvelles dispositions sont en vigueur à partir du 1er mai 2024.
L'équipe du SST Secrétariat Social
Source : Loi du 13 mars 2024 sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public (M.B. 20 mars 2024, p. 33254)
Vous souhaitez rester informé des dernières actualités sociales ?
Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle qui sélectionne pour vous l'essentiel des actus.
Connexion
Connectez-vous avec les identifiants reçus par mail lors de la création de votre compte.