Droits d’auteur : les craintes se confirment pour les informaticiens !  

Pour rappel, la loi-programme du 26 décembre 2022 a modifié en profondeur le champ d'application du régime fiscal des droits d'auteur dans le but de revenir à l'objectif initial du régime introduit, à savoir un régime fiscal approprié pour les revenus perçus de manière irrégulière et aléatoire dans le cadre d'activités artistiques. 

Les craintes des concepteurs de logiciels et des entreprises IT de se voir exclus du nouveau régime fiscal favorable des droits d’auteur viennent malheureusement d’être confirmées par la Cour Constitutionnelle.

L’occasion pour nous de repréciser en partie le cadre des nouvelles dispositions.  Vous retrouverez l’ensemble de notre étude sur le sujet en cliquant ici, en ce compris le régime fiscal transitoire qui était de mise en 2023.
 

« Indemnités pour droits d’auteur » : de quoi s’agit-il ?

La définition de l’indemnité pour droits d’auteurs est dorénavant identique tant en matière de sécurité sociale qu’au regard de la législation fiscale.
Est considérée, depuis le 1er janvier 2023, comme « indemnité pour droits d’auteur », l’indemnité provenant de :

  • la cession ou de l’octroi d’une licence par le titulaire originaire, de droits d’auteur et de droits voisins, visés au livre XI, titre 5, du Code de droit économique ou par des dispositions analogues de droit étranger ;
  • qui se rapportent  à des œuvres littéraires ou artistiques originales visées à l’article XI.165 du même Code ou à des prestations d’artistes-interprètes ou exécutants visées à l’article XI.205 du même Code ;
  • en vue de l’exploitation ou de l’utilisation effective, sauf en cas d’évènement indépendant de la volonté des parties contractantes, de ces droits, conformément aux usages honnêtes de la profession, par le cessionnaire, le détenteur de la licence ou un tiers.

Cette référence au Code de droit économique implique dorénavant un définition plus précise et plus restrictive de la notion d’« œuvres », de « prestations » et de « droits d’auteur », même si, dans certains secteurs d’activité (ex. l’IT), elle semble donner lieu à des discussions et/ou interprétations divergentes.
 
 
Conditions pour le bénéficiaire des droits d’auteurs

Précédemment, le titulaire des droits d’auteur ne devait remplir aucune condition spécifique.  Dorénavant, cela change. En effet, le bénéficiaire-même du système avantageux des droits d’auteur doit :

  • soit être titulaire d’une « attestation du travail des arts » visée par la loi portant création de la Commission du travail des arts et améliorant la protection sociale des travailleurs des arts.  La carte d’artiste actuelle est cependant admise, tant que la nouvelle attestation n’existe pas ;
  • soit, à défaut de cela, transférer ou donner en licence les droits concernant leur œuvre protégée par le droit d’auteur ou leur prestation protégée par un droit voisin à un tiers aux fins de communication au public, d’exécution ou de représentation publique, ou de reproduction.

 
Arrêt de la Cour Constitutionnelle du 16 mai 2024 (52/2024)

Les revenus de droits d’auteur sont soumis à un régime fiscal particulier dans le cadre duquel ils sont qualifiés de revenus mobiliers. La première tranche de ces revenus est taxée à un taux de 15 %, au lieu des taux progressifs applicables aux revenus professionnels. L’imposition effective est encore réduite par l’application de frais forfaitaires déductibles des revenus bruts.

Plusieurs concepteurs de logiciels et des entreprises actives dans le secteur informatique ont demandé à la Cour Constitutionnelle l’annulation de l’article 100 de la loi-programme du 26 décembre 2022, en ce qu’il exclurait du régime fiscal des droits d’auteur les revenus relatifs aux programmes d’ordinateur.

Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée viole le principe d’égalité et de non-discrimination (articles 10, 11 et 172 de la Constitution). Elles critiquent la différence de traitement entre les auteurs d’oeuvres littéraires ou artistiques protégées par le droit d’auteur, selon que ces oeuvres sont ou non des programmes d’ordinateur.
 
La Cour relève qu’il ressort des travaux préparatoires de la disposition attaquée que les oeuvres qui sont assimilées à des oeuvres littéraires, tels les programmes d’ordinateur, ne sont pas visées par le nouveau régime fiscal des droits d’auteur.  La disposition attaquée doit donc être interprétée comme excluant de ce régime les revenus relatifs aux programmes d’ordinateur.

Selon la Cour, le législateur a un pouvoir d’appréciation étendu en matière fiscale. Lorsqu’il instaure un régime fiscal particulier, le législateur peut utiliser des catégories qui n’appréhendent la diversité des situations qu’avec un certain degré d’approximation.

La Cour souligne que, par la disposition attaquée, le législateur entend revenir aux objectifs initiaux du régime de 2008, à savoir l’application d’un régime fiscal approprié aux revenus perçus de manière irrégulière et aléatoire dans l’exercice d’activités artistiques, et mettre un terme aux abus qui ont été faits du régime fiscal des droits d’auteur.

La Cour relève que le régime fiscal des droits d’auteur repose sur la présomption selon laquelle les revenus concernés sont perçus de manière irrégulière et aléatoire. L’exclusion des programmes d’ordinateur de ce régime repose sur l’idée que cette présomption n’est pas établie en ce qui concerne les programmes d’ordinateur. Ceux-ci sont seulement assimilés aux oeuvres littéraires. En outre, ils sont soumis à un régime particulier et dérogatoire sur plusieurs points au droit commun du droit d’auteur.

Il peut en être déduit que leur création s’inscrit, d’une manière générale, dans des relations économiques stables. Selon la Cour, le législateur a pu raisonnablement présumer qu’un risque de précarité et des aléas existent pour les revenus des auteurs d’oeuvres littéraires et artistiques, et non - ou nettement moins - pour les revenus des concepteurs de programmes d’ordinateur.

À cet égard, le législateur a pu tenir compte du fait que, depuis plusieurs années, la création des logiciels donnait lieu à un recours relativement systématique au régime fiscal des droits d’auteur, de sorte que le paiement de droits d’auteur était devenu un mode de rémunération à part entière.

La Cour juge enfin que la mesure attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les créateurs de programmes d’ordinateur ni pour les personnes qui les emploient, en ce qu’elle aurait uniquement pour effet de les soumettre au régime fiscal des revenus professionnels.

La Cour conclut que l’exclusion des revenus se rapportant aux programmes d’ordinateur du régime fiscal des droits d’auteur est raisonnablement justifiée.  Elle rejette donc les recours en annulation.
 
 



L'équipe du SST Secrétariat Social


Sources : Loi-programme du 26 décembre 2022 (M.B. 30 décembre 2022, 1ère édition, p. 102925)
Arrêté royal du 7 avril 2023 modifiant l'article 19 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (M.B. 14 avril 2023, p. 39103)
 
Arrêté royal du 27 septembre 2023 modifiant certaines dispositions relatives au caractère rémunératoire au sens de la sécurité sociale, des indemnités résultant de la cession ou de l'octroi d'une licence par le titulaire originaire de droits d'auteur et de droits voisins (M.B. 2 octobre 2023, p. 82663)
Instructions administratives ONSS - 2023/3, 2 octobre 2023
Arrêt (52/2024) du 16 mai 2024 de la Cour constitutionnelle

Vous souhaitez rester informé des dernières actualités sociales ?

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle qui sélectionne pour vous l'essentiel des actus.

Connexion

Connectez-vous avec les identifiants reçus par mail lors de la création de votre compte.

Connexion via vos codes identifiants


Mot de passe oublié ? |  Identifiant oublié ?

×

 

Vous souhaitez rester informé des dernières actualités sociales ?

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle qui sélectionne pour vous l'essentiel des actus en cliquant sur le bouton "Inscription", le formulaire d'inscription vous sera alors proposé.

 

×

Formulaire d'enregistrement

Creation de votre compte via des codes identifiants ?

Veuillez remplir les champs ci-dessous pour lier votre compte "e-services" à votre nouveau compte "MySST".


  ou   Connexion
×